Pour faire face au taux considérable d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) en Guyane et assurer une prise en charge plus efficace, le Centre Hospitalier de Cayenne s’est doté en mai 2023 de sa propre unité neurovasculaire.
L’accident vasculaire cérébral AVC est la première cause de mortalité en Guyane. « La surmortalité due à l’AVC en Guyane est importante : + 77,9% chez les hommes et + 22,5% chez les femmes par rapport à la moyenne nationale » indiquait l’Agence Régionale de Santé (ARS) de Guyane en 2017. Puis d’ajouter que le taux de mortalité par AVC des moins de 65 ans en Guyane était trois fois plus important qu’en métropole. Si bien que le Projet Régional de Santé (PRS) 2011-2015 faisait de l’AVC une priorité majeure de santé publique.
Plus récemment, dans un article daté du 6 décembre dernier publié dans le Lettre de Recherche du Centre Hospitalier de Cayenne, on apprenait qu’en Guyane, chaque jour en moyenne, une personne est hospitalisée du fait d’un AVC. « C’est 40 % de plus que dans l’Hexagone et c’est l’une des principales causes de décès chez les personnes de moins de 65 ans » avance Pierre-Yves Carlier, l’auteur de cet article.
Si, en 2017 encore, la Guyane utilisait la télé-expertise avec l’unité neurovasculaire (UNV) du CHU de Fort-de-France en Martinique, qui validait les indications de thrombolyse (dissolution du caillot qui bouche une artère), désormais, depuis le mois de mai 2023, le Centre Hospitalier de Cayenne dispose de sa propre UNV. Comme le rappelait l’ARS, en cas d’AVC l’admission précoce en UNV est importante. Cette création a donc permis d’améliorer la prise en charge des patients. Selon la Lettre de Recherche, le nombre de thrombyloses a été multiplié par trois par rapport à la période qui précédait cette ouverture. Ouverture que le Professeur Bertrand de Toffol, chef de pôle cardiovasculaire et métabolique au CHC, a pu obtenir grâce à la thèse de médecine de Johanna Rhein et dont les résultats viennent d’être publiés dans la Revue neurologique.
Comme l’explique la Lettre de Recherche, Johanna Rhein a commencé par suivre cent personnes hospitalisées suite à AVC à Cayenne en 2019, puis les a comparés à cent patients admis dans les CHU de Tours et de Besançon. Parmi les résultats de son étude, on note que les patients guyanais étaient plus jeunes : 62 ans en moyenne contre 70 dans les deux autres territoires. 75 % de ces patients guyanais souffraient d’hypertension artérielle (contre 50 % dans l’Hexagone) et 30 % de diabète (contre 11 % dans l’Hexagone). « On a une population plus jeune parce que l’hypertension et le diabète sont de véritables fléaux en Guyane » regrettait le Pr de Toffol, le 29 octobre, au journal télévisé de Guyane la 1ère, et cité dans cette même lettre. En 2017, l’ARS listait elle aussi les différents facteurs de risque : hypertension artérielle (HTA), alcool, tabac, diabète, surpoids, sédentarité. Par ailleurs, l’étude de l’étudiante en médecine révélait que dans 80 % des cas, l’AVC était dû à une artère qui s’était bouchée et dans 20 % à une artère qui s’était rompue. « Dans les deux cas, le cerveau ne reçoit plus de sang et d’oxygène et des cellules sont détruites. Chez nous les AVC sont souvent moins graves : une plus petite partie du cerveau est touchée. Mais les patients étant plus jeunes, ils peuvent subir des séquelles graves qui nécessiteront une prise en charge sur le long terme » commente la Lettre de Recherche. Et qu’en cas d’AVC, le délai maximum pour déboucher une artère est de 4h30 : « après ce délai, le cerveau est irrémédiablement détruit ». C’est pourquoi en cas de symptômes : paralysie d’un côté du corps, difficulté à voir d’un côté, trouble du langage ou « marche ébrieuse », il est indispensable de composer le 15. En effet, avec la création de l’UNV, un neurologue est désormais de garde 24/24 et peut être sollicité par le 15.
(Fanny Fontan)