Six associations annonçaient le 18 avril dernier les résultats de prélèvements effectués auprès d’une soixantaine d’habitants du Haut-Maroni, révélant des concentrations de mercure bien au-dessus des limites sécuritaires établies par les normes internationales.

« Des résultats particulièrement alarmants viennent de nous parvenir concernant la contamination au mercure des habitants du Haut Maroni en Guyane française » annoncent six associations co-signataires d’un communiqué de presse le 18 avril dernier : Jeunesse Autochtone de Guyane, association des victimes de l’orpaillage illégal sur le Haut-Maroni, Wild & Legal, Maïouri Nature, Copag et Association Solidarité Guyane. Une phrase plus loin, elles parlent carrément de résultats « effarants ». En cause ? Le taux de mercure mesuré dans des échantillons de cheveux prélevés en février 2024 auprès des habitants de plusieurs villages du Haut Maroni, en Guyane. « En février, Marine Calmet, Présidente de l’association Wild Legal et Jean-Pierre Havard de l’association Solidarité Guyane, se sont rendu dans plusieurs villages amérindiens pour effectuer des prélèvements avec l’Association wayana des victimes du mercure Haut Maroni. Au total, plus de 60 habitants ont souhaité participer à cette campagne de dépistage, dont certains avaient été dépistés l’année dernière » rapportent les associations. Ces échantillons ont ensuite été envoyés puis testés par le laboratoire japonais de Minamata, spécialisé dans la détection du mercure (NIMD).

Résultat ? Les échantillons de cheveux prélevés présentent des concentrations de mercure bien au-dessus des limites sécuritaires établies par les normes internationales. « Les échantillons possèdent des taux de mercure allant jusqu’à 22,41 μg/g de cheveux au village de Kayodé et 22,82μg/g de cheveux au village de Taluen. Soit des taux 5 fois supérieurs aux recommandations sanitaires (4,4 μg/g de cheveux pour l’adulte) définies par l’EFSA (European Food Safety Authority. En France, la Haute Autorité de Santé recommande par ailleurs depuis 2017, de ne pas dépasser 1,5 μg/g chez les enfants de moins de 6 ans). Ces taux de mercure sont 10 fois plus élevés que pour les guyanais du littoral » détaille le communiqué. Pour les six associations, ces résultats mettent en évidence la contamination des habitants de la région et sont la preuve que la situation est loin de s’améliorer. « Ces habitants sont en danger, car on estime que les personnes exposées au mercure courent des risques accrus de problèmes neurologiques, de troubles cognitifs, et d’autres complications médicales graves » alarment-elles. « Ça donne le vertige, on perd des cheveux, on a mal un peu partout dans les muscles. Quand j’ai très mal, j’arrête de manger. On tombe malade car l’eau et les poissons sont contaminés au mercure » témoigne Linia Opoya une habitante de la région, dans Vakita.

Les associations expliquent qu’il est établi que la source principale de cette contamination au mercure est l’orpaillage illégal qui sévit dans la région. L’utilisation de mercure dans le processus d’extraction de l’or est une pratique courante parmi les opérateurs clandestins, mais elle entraîne des conséquences dévastatrices pour l’environnement et la santé humaine. En effet, le mercure se répand dans les cours d’eau, contaminant ainsi les poissons, principale source de nourriture des communautés riveraines.

« L’Etat doit réagir. Laisser ces personnes dans cette situation est une violation de leurs droits les plus essentiels, du droit à la vie, à la santé et à un environnement sain » consièdre Marine Calmet, de Wild & Legal.

Les associations signataires rappellent avoir lancé en janvier 2024 une action en justice contre l’État français pour carence fautive dans le dossier de l’orpaillage illégal. Elles accusent l’État de ne pas remplir ses obligations en matière de lutte contre les activités minières illégales. « En ne se donnant pas les moyens d’éradiquer ces pratiques, la France abandonne les écosystèmes du Haut-Maroni et les citoyens qui y vivent » déplorent-elles.

Face à cette situation critique, les associations appellent les autorités locales et nationales à prendre des mesures urgentes pour mettre fin à l’orpaillage illégal dans la région du Haut Maroni. « Les associations alertent depuis des dizaines d’années et mènent avec leurs moyens des campagnes de dépistage pour informer la population sur leur exposition au mercure, il est donc édifiant qu’il faille attendre 2025, selon les annonces de l’ARS Guyane, pour la mise en place d’un programme pilote de dépistage systématique sur Maripasoula qui ne ciblera que les femmes enceintes et leurs jeunes enfants, alors que cette situation concerne tous les enfants (dont le développement neurologique est potentiellement gravement perturbé) ainsi que tous les autres habitants et est connue depuis les années 90 ! Des actions immédiates sont nécessaires pour protéger la santé des habitants et préserver l’équilibre écologique de ce territoire » s’indignent-elles.

(Fanny Fontan)