Le 26 septembre dernier, le tribunal correctionnel de Strasbourg a condamné sept personnes ayant violé la réglementation relative aux espèces protégées en prélevant illégalement ces animaux en Guyane et en les revendant illégalement aussi sur le marché européen.

Sept personnes ont été condamnées par le tribunal correctionnel de Strasbourg le 26 septembre dernier, à des peines de prison avec sursis, allant de 3 à 8 mois pour les principaux accusés, ainsi que de plusieurs peines d’amendes, pour avoir violé la réglementation relative aux espèces protégées. Le principal accusé, qui revendait des espèces protégées, voit son passeport être retenu. 

France Nature Environnement, Guyane Nature Environnement et Alsace Nature, partie civile, ont vu leur préjudice reconnu et les prévenus ont été condamnés à leur verser des sommes allant de 200 à 500 euros.

« En septembre 2022, le service départemental de la Guyane de l’Office Français de la Biodiversité est contacté par le bureau des douanes de l’aéroport de Cayenne à la suite de l’identification de quatre colis contenant des arthropodes, principalement des mygales, envoyés vers l’Hexagone sans déclaration préalable. Ces envois contenaient 191 spécimens dangereux d’arthropodes, scorpions et scolopendres, pour une valeur totale à la revente estimée à 13 640 euros » rapporte FNE dans un communiqué daté du 26 septembre et intitulé « affaire Spider : un trafic entre l’outre-mer et la métropole démantelé ».

L’association explique qu’après plusieurs mois d’enquête, les enquêteurs parviennent à identifier sept individus se rendant régulièrement en Guyane afin de faire du « herping », une pratique qui consiste à rechercher l’herpétofaune (reptiles et amphibiens) et plus généralement la faune rampante, en milieu naturel, puis à les prélever.

« De nombreuses espèces sont retrouvées, détenues de manière illégale, aux domiciles des mis en cause. L’enquête démontre également que plusieurs mis en cause vendaient illégalement ces animaux protégés en France, mais également à l’étranger par colis ou lors de bourses de vente d’espèces dans des pays comme l’Allemagne où la règlementation présente des différences d’application » ajoute le communiqué.

FNE insiste sur la valeur pédagogique du jugement et sa portée dissuasive. « Cette affaire est symptomatique des atteintes portées à la biodiversité : si les prévenus ne conscientisaient pas l’impact de leurs prélèvements, ils contribuent pourtant à un trafic d’ampleur. Ce jugement a une vertu pédagogique : il rappelle que toutes les atteintes portées aux espèces protégées font peser de graves pressions sur la biodiversité et doivent être sanctionnées de façon juste et systématique » commente Pia Savart, juriste de France Nature Environnement.

En effet, comme le souligne FNE, les conséquences du trafic d’espèces protégées sont désastreuses. Il s’agit du troisième trafic le plus lucratif au monde derrière le trafic de stupéfiants et d’armes, représentant jusqu’à 23 milliards de dollars par an. Il est également l’un des principaux facteurs d’érosion de la biodiversité, rappelle l’ONG. Elle ajoute que la France a un rôle majeur puisqu’elle figure, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) « parmi les principaux États importateurs d’espèces sauvages destinées au marché européen, mais aussi l’un des principaux points de sortie ». De plus, FNE cite l’ONG Traffic qui note qu’entre 2008 et 2017, plus de 28 millions de spécimens ont été importés en France, premier pays européen d’arrivées pour les coraux, les reptiles, les sangsues et les gastéropodes et 45 millions de spécimens ont été directement exportés depuis la France ou avaient la France pour pays d’origine.

« La Guyane, par sa situation géographique et son territoire couvert par 90% de forêt primaire hôte d’une biodiversité exceptionnelle avec plus de 350 000 espèces d’invertébrés, dont une grande partie en est endémique, est particulièrement vulnérable face à ce trafic » poursuit FNE.

Elle liste ensuite les différents risques que fait peser le trafic d’espèces. D’une part, il nuit au bon état de conservation des espèces : « les prélèvements illégaux entraînent la diminution des espèces sur les secteurs à proximité des sentiers où leur observation est possible, mettant à mal leur conservation localisée et privant le public de leur intérêt patrimonial sur ces chemins fréquentés ». D’autre part, il risque d’impacter la faune du pays d’export : « en cas de fuite vers le milieu naturel, certaines espèces peuvent devenir invasives et porter atteinte aux milieux naturels, faunistiques et floristiques, qu’elles colonisent. En Europe, le nombre d’espèces exotiques envahissantes a ainsi augmenté d’au moins 76 % ces 35 dernières années. Pour rappel, l’introduction d’espèces exotiques envahissantes constitue l’un des cinq grands types de pressions humaines entraînant l’effondrement de la biodiversité ». En outre, le trafic d’espèces fait peser des risques sur la santé humaine : « le Fonds international pour la protection des animaux (IFAW) relève qu’environ 75 % des nouvelles maladies découvertes au cours de la dernière décennie sont des zoonoses (maladies infectieuses passant de l’animal à l’homme), et 72 % de ces maladies émergentes trouvent leur origine dans la faune ». Enfin, il met en péril le bien-être animal, comme défini par l’Organisation mondiale de la santé animale.

« Si le jugement est globalement satisfaisant, on regrettera toutefois, pour le principal prévenu, qu’à la peine de sursis ne soit pas associée une peine d’amende qui se serait mesurée à la hauteur des bénéfices réalisé par le condamné estimés à plusieurs milliers d’euros » conclut FNE.

(Fanny Fontan)