A la grande surprise générale, Manuel Valls, qui fut notamment maire d’Evry, député de la première circonscription de l’Essonne, puis ministre de l’intérieur et Premier ministre sous François Hollande et qui après sa défaite à la primaire socialiste de 2017 avait soutenu Emmanuel Macron, avant de se retirer de la vie politique française en 2018 pour devenir candidat à la mairie de Barcelone en 2019, a fait son grand retour en se voyant nommé ministre des Outre-mer par le nouveau Premier ministre, François Bayrou, le 23 décembre dernier.

Le président de la République a nommé, le 13 décembre 2024, François Bayrou comme nouveau Premier ministre. Ce dernier a ainsi succédé à Michel Barnier, qui avait remis la démission de son gouvernement le 5 décembre, à la suite de l’adoption d’une motion de censure par l’Assemblée nationale. Par décret signé lundi 23 décembre sur la proposition du Premier ministre, chargé de la Planification écologique et énergétique, Manuel Valls, a été nommé ministre d’État, ministre des outre-mer.

Le 24 décembre, à l’Hôtel de Montmorin dans le VIIe arrondissement de Paris, Manuel Valls a pris possession du ministère des Outre-Mer, succédant à François-Noël Buffet. Pour rappel, et comme résumé sur le site du MOM, les outre-mer françaises ce sont 2.6 millions d’habitants. Ils font vivre 12 territoires situés dans les océans Atlantique, Indien, Pacifique et Antarctique. Ces collectivités territoriales sont : la Guadeloupe, la Guyane française, la Martinique, La Réunion, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, les Terres Australes et Antarctiques Françaises et les îles de Wallis-et-Futuna. Forte de 11 Mkm² de zone économique exclusive et d’espaces maritimes dont 97% se situent outre-mer, la France est la deuxième puissance maritime du monde.

Au moment de transmettre le flambeau à Manuel Valls, François-Noël Buffet a souhaité faire quelques observations. « La première c’est que ce fut trois mois d’actions marqués par les urgences : la Nouvelle-Calédonie, la Martinique, Mayotte qui va demander beaucoup d’attention et de constance dans les mois et les années qui viennent et j’ai à ce moment une pensée particulière pour nos compatriotes (mahorais, ndlr) qui connaissent une situation encore très difficile. Trois mois de contacts avec de très nombreux acteurs des Outre-mer, ici à Oudinot comme sur les territoires, et notamment avec les élus très engagés au service de leur territoire et de leurs concitoyens. Trois mois de combats intenses pour redresser la barre budgétaire. Trois mois enfin pour engager des chantiers structurants en vue de la tenue du futur CIOM : démarches autour du pouvoir d’achat et de la vie chère, souveraineté alimentaire, économie bleue… Sentiment évidemment d’une tâche inachevée mais certitude que ces sujets continueront d’être traités. Je retire de ces trois mois au-delà des urgences et des crises, plusieurs convictions : la présence dans chacun des outre-mer, de pépites et de talents qui doivent être absolument valorisés. La nécessité aussi de montrer à l’ensemble de nos concitoyens, l’apport des Outre-mer, à l’ensemble national. Au-delà de nos sportifs, c’est tout un ensemble de chercheurs, de chefs d’entreprises, de talents qu’il faut valoriser de même que l’apport des outre-mer pour le rayonnement politique culturel et économique sur les océans où ils sont situés. La France est présente sur trois océans du monde. La nécessité de revoir les modèles. Modèles économiques encore trop basés sur l’importation, facteur de coût. Modèle social pour donner des perspectives à nos jeunes. Modèle institutionnel avec davantage de pouvoir d’adaptation au service de projets de territoires… »

Puis de s’adresser directement à son successeur, tout sourire depuis le début de la cérémonie : « On dit souvent monsieur le Premier ministre, que vous avez connu Matignon, et bien ici c’est un petit Matignon ». Et de nuancer : « alors évidemment on ne peut pas s’occuper de tout. Tous les sujets arrivent à Oudinot. Mais cette palette de sujets est tellement passionnante qu’elle va être aussi malgré les difficultés, un moment de bonheur ».

« Je vous souhaite bien sûr que tous les moyens vous soient donnés pour continuer de porter ces enjeux, d’apporter bien sûr votre propre personnalité, votre propre manière de faire, ceci est bien normal » a-t-il conclu avant de remercier ses collaborateurs qu’il a qualifiés de « passionnés ». Et de terminer, vraisemblablement ému : « voilà monsieur le premier ministre, monsieur le ministre, vous avez la clé ».

Manuel Valls s’est rapidement dirigé vers le pupitre. « Mes premiers mots sont, et vous le comprendrez, pour Mayotte et les Mahorais, au lendemain de la journée de communion nationale dans ce deuil. Évidemment nous pensons aux victimes, aux morts et aux blessés nombreux. C’est l’urgence et c’est notre priorité. Tout le gouvernement est engagé depuis plusieurs jours pour répondre à la détresse que vivent celles et ceux qui ont subi la violence de ce cyclone. Je n’ignore rien, et nous n’ignorons rien, de la colère, de la peur, du sentiment d’abandon, en tout cas de l’angoisse de nos compatriotes mahorais, des familles des enfants. Il fallait y répondre, il faut toujours y répondre. L’État est en train d’y répondre » a-t-il affirmé. Et d’ajouter : « C’est long, difficile, complexe, mais l’engagement du président de la République et du Premier ministre est clair. C’est d’ailleurs l’engagement de la nation pour reconstruire Mayotte mieux et différemment et c’est le sens de la loi de reconstruction qui on l’espère sera adoptée par le conseil des ministres. Et au fond pour que les Mahorais se sentent vraiment entourés par le pays tout entier ».

« « Urgence » d’ailleurs, « défi » sont souvent les mots que l’on utilise pour évoquer les départements, les régions et les territoires ultramarins. Et je mesure la tâche qui m’est donnée, la responsabilité qui est la mienne. Je veux d’ailleurs penser également à la Nouvelle-Calédonie, ce territoire que je connais bien et qui est meurtri par les émeutes, les violences du printemps dernier, avec son cortège de morts et de blessés, ses fractures, ses divisions, et une économie exsangue. Vous y avez beaucoup travaillé monsieur le ministre. L’État soutien, doit soutenir ces territoires. C’est pour cela que nous avons besoin d’un budget. Sinon il risque y avoir davantage de difficultés. Et pas seulement en Nouvelle-Calédonie. Et puis il nous faudra construire avec tout le monde, un chemin, un destin commun. Il va falloir être inventif et respectueux de chacun, et j’ose dire, responsable. Et de ce point de vue-là, la Nouvelle-Calédonie a besoin d’un gouvernement le plus vite possible. Impossible de construire l’avenir sans un gouvernement pour l’archipel » a poursuivi Manuel Valls.

En plus de Mayotte et de la Nouvelle-Calédonie, le nouveau ministre des Outre-mer a évoqué des problèmes structurels comme la vie chère. Puis a continué sur des considérations plus générales. « Chaque territoire, et c’est ce qui rend passionnant ce ministère, est spécifique est différent avec ses défis et ses atouts, avec une histoire souvent tourmentée, marquée par la colonisation, l’esclavage, le bagne, les discriminations. Mais aussi belle. Je pense évidemment à celle de la France libre, celle de Félix Éboué. Avec une langue, des cultures, des valeurs, universelles, celles de la République qui nous rassemble. J’ai hâte vraiment, de m’engager, de me rendre sur place. Même si je n’ignore pas, et vous me parliez du temps et je le mesure, la part de frustration, monsieur le ministre. Je n’ignore pas que la situation politique, paraît-il, dans l’hexagone, est instable, difficile et périlleuse. Raison de plus pour avoir accepté cette belle mission que m’a proposée il y a quelques jours le chef du gouvernement ».

Et d’abonder : « peu de personnes, sauf ici, mesurent ce que sont nos outre-mer. C’est là-bas que les crises sont les plus dures, que les vulnérabilités de tous temps sont les plus présentes, que les relations sont les plus complexes à construire avec ce sentiment qu’on ne s’occupe pas d’eux et qu’ils sont abandonnés. Quand éclatent les émeutes, en Guadeloupe, en Martinique, en Nouvelle-Calédonie, quand s’abattent des cyclones, des tempêtes, ces territoires se rappellent à l’hexagone, à Paris. Mais quand se calment la fièvre, les tornades, ils retombent dans le vide. Et cela doit changer et d’abord et essentiellement pour les près de 3 millions de nos compatriotes qui vivent dans ces territoires, et pour ceux originaires des outre-mer, près d’un million, qui vivent dans l’hexagone, et c’est l’ancien maire d’Évry qui vous parle et qui connaît bien aussi ses compatriotes. Dois-je rappeler, mais vous l’avez fait, que ces territoires nous permettent d’être présents sur cinq continents et les trois océans. Ils représentent le deuxième domaine maritime mondial, onze millions de km2, 10 % de la biodiversité mondiale, et 20 % des atolls. C’est l’économie bleue. C’est évidemment un atout considérable que nous devons préserver et qui est convoité. C’est pour cela qu’il nous faut bien définir ou redéfinir la relation entre l’Hexagone et ces territoires. S’ils sont un atout, s’ils sont une force, et bien ils doivent avoir notre soutien ».

Manuel Valls a à nouveau affirmé mesurer « les urgences ». « Je comprends les attentes et les besoins. Il faut y répondre, évidemment en mettant en place une méthode, en multipliant les visites, en rencontrant en écoutant l’ensemble des acteurs en prenant appui sur les maires, les élus, les présidents des collectivités, les députés, les sénateurs, les forces économiques, sociales, culturelles, les associations, et évidemment d’abord et avant tout, les citoyens. Mais je n’oublie pas le temps long nécessaire à la considération des outre-mer ».  

Avant de conclure en soulignant que le Premier ministre avait souhaité que le ministre des outre-mer soit un ministre d’Etat, incarné par un ancien Premier ministre. « Je ne sais pas si c’est un plus mais en tout cas cela m’oblige » a-t-il commenté avant d’assurer qu’il consacrerait toute son énergie au service des ultramarins.

(Fanny Fontan)