Saisi par un passager qui s’était vu, en octobre 2022, refuser au départ de Cayenne l’embarquement à bord d’un avion à destination de Paris pendant cinq jours, dans le cadre de la lutte contre le trafic de cocaïne, le Tribunal administratif de Cayenne, dans une décision rendue le 23 octobre dernier, a rejeté la requête du plaignant.
Le tribunal administratif de la Guyane a publié le 12 janvier dernier une sélection de trois affaires ayant une portée juridique, sociétale et relativement médiatique. L’une d’entre elle concerne une affaire de police administrative. En l’occurrence, l’arrêté préfectoral, aussi appelé dispositif anti-mules, qui consiste à interdire à un passager suspecté de trafic de drogue, de prendre l’avion pendant plusieurs jours.
« M. Z a souhaité embarquer le 31 octobre 2022 à l’aéroport de Cayenne à bord d’un aéronef à destination de Paris. Il a fait ce même jour, à l’aéroport, l’objet d’un contrôle par les services de la police aux frontières, dans le cadre d’une action de lutte contre le trafic de cocaïne, et d’un arrêté lui interdisant pendant cinq jours d’embarquer à bord d’un aéronef depuis l’aéroport de Cayenne. Par la présente requête, M. Z demande au tribunal d’annuler cet arrêté et de condamner l’Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral, 1 231,50 euros en réparation de son préjudice matériel et 10 000 euros en réparation de la perte de chance d’obtenir un emploi d’ingénieur de service » indique le compte rendu de l’audience du 2 octobre 2023 devant le tribunal administratif de la Guyane.
Le tribunal explique que le trafic de stupéfiants au départ de l’aéroport de Cayenne connaissait une ampleur grandissante. « En effet, alors que pour l’année 2021, 157 personnes ont été interpellées dans le cadre de procédures judiciaires pour trafic de stupéfiants et 140 kg de cocaïne ont été saisis, pour les six premiers mois de l’année 2022, ce sont 190 personnes qui ont été interpelées et 157 kg de cocaïne saisis » précise-t-il. Ainsi, les vols à destination de Paris au départ de l’aéroport de Cayenne sont particulièrement concernés par ce trafic et les modalités jusqu’alors appliquées n’ont pas suffi à en stopper l’augmentation. C’est pourquoi depuis quelques années, un nouveau type de contrôle administratif a été mis en place, exercé par les services de l’Etat dans l’enceinte de l’aéroport Félix Eboué pouvant conduire à une interdiction temporaire d’embarquement.
Après avoir rappelé le cadre juridique, le tribunal administratif, dans une décision datée du 23 octobre dernier, a jugé que l’arrêté attaqué avait été compétemment signé par le préfet, qu’il a été édicté en vertu de l’intérêt qui s’attache à la préservation de l’ordre public revêtant le caractère d’une mesure de police administrative excluant l’application des dispositions du code de procédure pénale. En outre, il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions de l’arrêté attaqué, que l’ensemble des personnes interpellées à l’aéroport l’ont été sur le fondement de critères communs, caractérisés notamment par leur méconnaissance des conditions de réservation et d’achat de leur billet d’avion, leur incapacité à préciser la date et le mode de réservation, de paiement, ainsi que les coordonnées transmises au titre de contact, leur incapacité au regard de leur situation sociale déclarée de justifier du financement de leur voyage. « M.Z a été dans l’incapacité de donner des réponses satisfaisantes aux questions qui lui ont été posées. L’arrêté attaqué indique, sans que cela soit contredit à l’instance, que le requérant « ne justifie pas des conditions de réservation et d’achat de son billet d’avion, plus particulièrement il ne présente aucun justificatif de paiement et ne répond pas aux questions à cette fin ». Par ailleurs, contrairement à ce qu’il soutient, le requérant ne produit ni imagerie médicale ni compte-rendu d’hospitalisation ayant établi qu’il ne participait à aucun trafic de stupéfiants. Dans ces conditions, tenant, d’une part, au fait que M. Z n’a fourni aucun élément en réponse aux questions des agents de la police aux frontières le 31 octobre 2022, qu’il a, par ailleurs, entretenu, et entretient toujours, une grande imprécision sur les conditions du voyage qu’il envisageait en octobre 2022, et, d’autre part, aux nécessités particulières du maintien de l’ordre et de la sécurité publics dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants en Guyane, le moyen tiré du caractère disproportionné et de l’erreur d’appréciation dont serait entaché l’arrêté attaqué doit être écarté » a conclut le tribunal. Le Tribunal a donc rejeté la requête du plaignant.
(Fanny Fontan)