Avec environ 2000 cas, la Guyane est l’un des territoires français les plus touchés par ladrépanocytose. Le Docteur Gabriel Bafunyembaka, penumopédiatre au Centre Hospitalier de l’Ouest guyanais (Chog), à Saint-Laurent du Maroni, cherche à savoir combien d’enfants drépanocytaires sont asthmatiques et quelle est l’influence de l’asthme, afin, selon les résultats, de dépister systématiquement l’asthme chez ce public-là.

Dépister systématiquement l’asthme chez les enfants drépanocytaires. C’est ce qui pourrait être recommandé en fonction des résultats d’une étude menée par le Docteur Gabriel Bafunyembaka, penumopédiatre au Centre Hospitalier de l’Ouest guyanais (Chog), à Saint-Laurent du Maroni. Dans le cadre de sa thèse de doctorat d’université, le médecin vient de lancer des travaux pour déterminer quelle part d’enfants drépanocytaires sont asthmatiques sans que cela n’ait été diagnostiqué jusque-là.

En effet, comme le rapporte Pierre-Yves Carlier, auteur d’un article publié dans la Lettre de Recherche du Centre hospitalier de Cayenne le 24 septembre dernier, le Docteur Gabriel Bafunyembaka a été surpris à son arrivée dans le service de pédiatrie du Chog de constater « « le nombre très importants d’enfants drépanocytaires, avec beaucoup d’hospitalisations ». En outre, « quand ils se présentent aux urgences, ils présentent des symptômes d’asthme mais leur carnet de santé ne porte jamais la trace d’un diagnostic. Pourtant les médicaments contre l’asthme se révélaient efficaces. En dépit d’une incidence de la drépanocytose la plus élevée de France, aucun travail sur la relation avec l’asthme n’a jusque-là été réalisé. Un élément manque, à notre avis : rechercher l’asthme chez ces enfants et voir s’il n’y est pas pour quelque chose. »

Comme l’explique l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), la drépanocytose appelée anémie falciforme, est une maladie génétique héréditaire touchant les globules rouges (ou hématies). Elle est caractérisée par une anomalie de l’hémoglobine, principale protéine du globule rouge.  Maladie génétique très répandue : elle concerne environ 300 000 naissances par an dans le monde. « Apparue en Afrique et en Inde, elle est depuis devenue très présente en Amérique, tout particulièrement aux Antilles et au Brésil, ainsi qu’en Europe de l’Ouest du fait des mouvements de populations. Les derniers chiffres disponibles indiquent que 466 enfants drépanocytaires ont vu le jour en France en 2015, soit une prévalence d’un enfant atteint pour 1 736 naissances. Ce chiffre en fait la maladie génétique la plus fréquente en France. Toutefois cette prévalence est beaucoup plus importante dans les départements d’outre-mer (1/499) et en région parisienne (1/765) où se concentrent les populations à risque ». 

Après avoir épluché les dossiers médicaux de plus de 600 enfants drépanocytaires diagnostiqués en Guyane entre 2012 et 2022 qui confirment l’hypothèse de l’asthme sans diagnostic établi, le penumopédiatre a constaté que parmi tous les enfants drépanocytaires, ceux ayant des signes d’asthme arrivaient beaucoup plus souvent aux urgences pour crise vaso-occlusive (douleurs intenses au niveau des os, des mains, des pieds et des articulations) que les autres et souhaite désormais vérifier si l’asthme y est pour quelque chose. « Nous allons revoir tous les enfants drépanocytaires suivis dans les hôpitaux de Cayenne, Kourou et Saint-Laurent du Maroni. A partir de 3 ans, ils bénéficieront de tests cutanés allergologiques, d’une radiographie du thorax, d’analyses de sang et des selles. De 6 à 18 ans, ils bénéficieront également de tests respiratoires. Cela nous dira la fréquence de l’asthme chez les enfants drépanocytaires de Guyane et sa place dans leurs hospitalisations multiples. Si besoin, nous pourrons mettre en place un traitement adéquat et leur proposer un suivi de l’asthme au même titre que pour la drépanocytose » explique-t-il dans l’article de la Lettre de Recherche.  

10% de la population guyanaise porteuse du gène de la drépanocytose

Depuis 1992, la Guyane organise systématiquement le diagnostic de la drépanocytose. 0,5 % des nouveau-nés sur le territoire sont drépanocytaires, soit 1 bébé sur 200, et 40 nouveaux cas par an. Selon le centre hospitalier de Cayenne dans sa Lettre de Recherche, au total, on compte 2 000 drépanocytaires en Guyane dont environ 1 200 sont suivis dans les hôpitaux de Cayenne, Kourou et Saint-Laurent du Maroni. « L’étude de la drépanocytose a permis d’identifier des souches différentes du gène de la drépanocytose présentes en Guyane : sur le Maroni, elle est proche de la souche présente en Afrique de l’ouest ; chez les personnes nées en Haïti, proche de la souche d’Afrique centrale ; chez les habitants du littoral nés en Guyane, proche d’une souche présente à la fois en Afrique et en Inde » explique-t-il. Et d’ajouter qu’en Guyane, on sait également qu’environ 10 % de la population est porteuse du gène de la drépanocytose. « Tous n’en souffrent pas pour autant puisqu’il faut avoir reçu deux gènes, l’un par son père et l’autre par sa mère, pour développer la maladie. En revanche, en étant porteuses, ces personnes sont susceptibles de transmettre le gène à leurs futurs enfants. C’est la raison pour laquelle, si l’on se sait porteur, il est recommandé de faire dépister son conjoint ». La situation diffère selon la géographie :  c’est dans l’ouest, sur une bande allant de Saint-Laurent du Maroni à Papaïchton, en passant par Apatou et Grand-Santi, que l’on trouve le plus de personnes porteuses du gène de la drépanocytose : plus d’un habitant sur dix est concerné. Sa présence est en revanche moindre à Cayenne (6,7 % de la population), à Kourou (8,3 %), à Saint-Georges (5,4 %) et à Maripasoula (3,4 %). C’est à Iracoubo (1 %) que l’on rencontre le moins de personnes porteuses.

(Fanny Fontan)